Après une première vie bien remplie, mais incomplète, Frédéric Gounan était en quête de sens. Planter de la vigne chez lui, pour faire parler son terroir, ses racines, est alors apparu comme une évidence.
Sur les hauteurs de Saint-Sandoux, à trente kilomètres au sud de Clermont-Ferrand, vit un ours qui effraie les enfants de la bouteille : cavistes, restaurateurs et explorateurs de bons crus. Selon la légende, les bruits de comptoirs et autres gazouillis numériques, le vigneron qui vit là-haut, retranché derrière ses pierres, ses vignes et sa barbe, ne serait pas commode. ‘‘Un motard solitaire et un peu barré’’, avancent certains. ‘‘Un bio farfelu et lunatique’’, osent des voisins intrigués par les potions suspectes qu’il aurait pulvérisées à des heures indécentes. C’est donc avec appréhension et fébrilité que j’envisage de contacter l’homme qui se cache derrière ce fameux arbre blanc. Et puis, un matin de juin où les pressions sont hautes, le vent bien orienté, je prends mon courage à deux mains et tente ma chance. Après trois tentatives infructueuses qui m’ont fait douter de l’authenticité de ces dix chiffres récupérés au marché noir, le long bip répétitif finit par laisser place à un ‘‘Allo !’’ ferme et musclé. Dans le fond, un bon vieux rock viril fait vibrer mes tympans. Je lance mon speech de présentation : ‘‘Bonjour, nous avons réalisé en 2015 un livre sur des vignerons de Bourgogne…’’ Je suis coupé net. ‘‘Qui ça ?’’ Légèrement troublé par cette question aussi directe et rapide qu’un crochet de Floyd Mayweather, je réponds à la volée : ‘‘Euh… Julien Guillot, Dom Derain, Renaud Boyer…’’ Je suis de nouveau interrompu. ‘‘OK, c’est bon, on peut continuer.’’
“Je cherchais autre chose à faire, quelque chose avec une expression, un peu de poésie.”
J’ai visiblement passé la première étape, je poursuis. ‘‘Nous voudrions maintenant faire un ouvrage sur les vignerons d’Auvergne.’’ Même sentence, même ton en forme de coup de boule : ‘‘Qui ça ?’’ Je commence à m’accoutumer à la technique d’attaque de mon adversaire, petit pas de côté et je décoche ma riposte avec plus de confiance qu’un politicien en meeting dans son fief natal : ‘‘Patrick Bouju, Pierre Beauger, Vincent Tricot et quelques autres bons vignerons que vous devez bien connaître.’’ L’attaque est précise, sa garde se relâche : ‘‘Ouais, les mecs qui font du vin, quoi.’’ Je reprends mon argumentaire en marchant malgré tout sur des œufs : ‘‘Je sais que vous avez peu de temps libre, mais je voulais savoir s’il serait possible de passer vous voir pendant une heure ou deux pour discuter un peu de votre travail.’’ Exploit, je suis allé au bout de ma phrase, l’ours se laisserait-il apprivoiser ? ‘‘Non, mais là ça va. On a bossé comme des ânes pendant des semaines, maintenant on se repose un peu. Donc pas de souci pour que vous passiez. Mardi vers 10h, ça vous va ? Comme ça on discute un peu et puis, à midi, on boira quelques canons, faut pas oublier que le vin c’est du lubrifiant social quand même !’’ Le programme ne pouvait être meilleur. Le nuage d’appréhension vis-à-vis de l’ours de Saint-Sandoux finira de se dissiper totalement quelques jours plus tard, lorsque Patrick Bouju aura la bonne idée de nous convier à un barbecue avec quelques amis restaurateurs parisiens, mais également Frédéric Gounan et Aurélien Lefort. Après un poulpe à se damner préparé par Thomas et Olive du Verre Volé, une côte de bœuf maturée simplement exceptionnelle rapportée par Fabien de Faggio et Guillaume des Pantins et quelques quilles de haute volée, qui ont effectivement très efficacement lubrifié nos relations sociales, nous avons quitté Fred Gounan à une heure un peu avancée en se souhaitant une bonne nuit… et à tout à l’heure. Notre rendez-vous était fixé dans un peu moins de huit heures.
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est disponible sur un beau papier bien imprimé !
Livre relié – 252 pages
Format : 28 x 2 x 21 cm ACHETER LE LIVRE
Les vins qu'il aime
« J’aime les vins faits avec du raisin et qui se boivent. Ça peut être un vin complexe, un vin intense ou un canon que tu bois sans réfléchir. Tu n’es pas obligé de te mettre le chou en ébullition chaque fois que tu bois un verre de vin. Mais dans tous ces vins-là, tu dois retrouver cette buvabilité. C’est indispensable. Un vin qui ne se boit pas, c’est une aberration. T’as des canons, tu bois même pas le fond d’un verre et t’es nourri pour huit jours, c’est juste pas possible ! »
Ses Cuvées
• Les Petites Orgues : Pinot noir
• Les Grandes Orgues : Pinot noir
• Les Fesses : Macération de sauvignon et pinot gris